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Ce décret n’était pas inutile. Les gardes du corps s’étaient formés en ligne, devant la salle. On croyait que soixante députés seraient enlevés dans la nuit.

La Noblesse, son président en tête, alla tout droit remercier son sauveur le comte d’Artois, puis Monsieur, qui fut prudent et se garda bien d’être chez lui. Beaucoup allèrent voir la reine, triomphante, rayonnante, qui, donnant la main à sa fille, portant le Dauphin, leur dit : « Je le confie à la Noblesse. »

Le roi ne partageait aucunement cette joie. Le silence du peuple, si nouveau pour lui, l’avait accablé. Quand Brezé vint lui apprendre que les députés du Tiers restaient en séance et lui demanda ses ordres, il se promena quelques minutes et, du ton d’un homme ennuyé, dit enfin : « Eh bien, qu’on les laisse ! »

Le roi parlait sagement. Il avait tout à craindre. Un pas de plus et Paris marchait sur Versailles. Déjà Versailles était bouleversé. Voilà cinq mille, six mille hommes qui montent au château. La reine voit avec terreur cette étrange cour, toute nouvelle, qui remplit en un moment les jardins, les terrasses, déjà les appartements. Elle prie, supplie le roi de défaire ce qu’elle a fait, de rappeler Necker… Il n’avait pas à revenir de bien loin ; il était là, tout à côté, convaincu à son ordinaire que rien n’irait jamais sans lui. Louis XVI lui dit avec bonhomie : « Moi, je n’y tiens nullement, à cette déclaration. »

Necker n’en voulut pas davantage, ne fit aucune condition. Sa vanité satisfaite, l’ivresse d’entendre