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Le discours de Mirabeau fut accueilli d’un tonnerre d’indignation, d’une tempête d’imprécations et d’insultes. La rhétorique éloquente par laquelle il réfutait ce que personne n’avait dit (que le mot de peuple est vil), n’avait nullement donné le change.

Il était neuf heures du soir. On ferma la discussion pour aller aux voix. La netteté singulière avec laquelle la question s’était posée sur la royauté elle-même faisait craindre que la cour ne fît la seule chose qu’elle avait à faire pour empêcher le peuple d’être roi le lendemain ; elle avait la force brutale, une armée autour de Versailles, elle pouvait l’employer, enlever les principaux députés, dissoudre les États, et si Paris remuait, affamer Paris… Ce crime hardi était son dernier coup de dé ; on croyait qu’elle le jouerait. On voulait le prévenir en constituant l’assemblée cette nuit même. C’était l’avis de plus de quatre cents députés ; une centaine au plus était contre. Cette petite minorité empêcha toute la nuit, par les cris et la violence, qu’on ne pût faire l’appel nominal. Mais ce spectacle honteux d’une majorité tyrannisée, de l’assemblée mise en péril par le retard, l’idée que, d’un moment à l’autre, l’œuvre de la liberté, le salut de l’avenir, pouvaient être anéantis, tout exalta jusqu’au transport la foule qui remplissait les tribunes ; un homme s’élança et saisit au collet Malouet, le meneur principal de ces crieurs obstinés[1]. L’homme s’évada. Les cris continuèrent. En présence de ce

  1. Le témoin principal, Bailly, ne donne point cette circonstance, que M. Droz indique seul, sans doute d’après Malouet.