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brillantes, dans la toilette coquette et bizarre qu’on portait alors, mêlée de plumes et de fleurs. Tout ce monde était ému, attendri, plein de trouble et d’espérance[1]. Une grande chose commençait ; quel en serait le progrès, l’issue, les résultats, qui pouvait le dire ?… L’éclat d’un tel spectacle, si varié, si majestueux, la musique qui se faisait entendre de distance en distance, faisaient taire toute autre pensée.

Beau jour, dernier jour de paix, premier d’immense avenir !…

Les passions étaient vives, diverses, opposées sans doute, mais elles n’étaient pas aigries comme elles le furent bientôt. Ceux même qui avaient le moins souhaité cette ère nouvelle ne pouvaient s’empêcher de partager l’émotion commune. Un député de la noblesse avoue qu’il pleurait de joie : « Cette France, ma patrie, je la voyais, appuyée sur la religion, nous dire : Étouffez vos querelles… Des larmes coulaient de mes yeux. Mon Dieu, ma patrie, mes concitoyens, étaient devenus moi-même. »

En tête de la procession apparaissait d’abord une masse d’hommes vêtus de noir, le fort et profond bataillon des cinq cent cinquante députés du Tiers ; sur ce nombre plus de trois cents légistes, avocats ou magistrats, représentaient avec force l’avènement de la loi. Modestes d’habits, fermes de marche et de regard, ils allaient encore, sans distinction de

  1. Voir les témoins oculaires, Ferrières, Staël, etc.