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tous les lieux d’élection furent entourés de soldats. Les armes furent chargées dans la rue, devant la foule.

En présence de ces vaines démonstrations, les électeurs furent très fermes. À peine réunis, ils destituèrent les présidents que le roi leur avait donnés. Sur soixante districts, trois seulement renommèrent le président nommé par le roi, en lui faisant déclarer qu’il présidait comme élu. Grave mesure, premier acte de la souveraineté nationale. Et c’était elle en effet qu’il s’agissait de conquérir, c’était le droit qu’il fallait fonder. Les questions d’argent, de réformes ne venaient qu’après. Hors du droit, quelle garantie, quelle réforme sérieuse ?

Les électeurs créés par ces assemblées de districts agirent précisément de même. Ils élurent président l’avocat Target ; vice-président, Camus, l’avocat du Clergé ; secrétaires, l’académicien Bailly, et le docteur Guillotin, un médecin philanthrope[1].

La cour fut étonnée de la décision, de la fermeté, de la suite avec laquelle procédèrent vingt-cinq mille électeurs primaires si neufs dans la vie politique. Il n’y eut aucun désordre. Assemblés dans les églises, ils y portèrent l’émotion de la chose grande et sainte

  1. Cette assemblée, si ferme dans ses premières démarches, se composait pourtant de notables, fonctionnaires, négociants ou avocats.

    Ces derniers menaient l’assemblée ; c’étaient Camus, Target, Treilhard, avocat de la ferme générale ; Lacretelle aîné, Desèze. Les académiciens venaient en seconde ligne : Bailly, Thouin et Cadet, Gaillard, Suard, Marmontel. Puis des banquiers, comme Lecouteulx ; des imprimeurs, libraires, papetiers : Panckoucke, Baudoin, Réveillon, etc.