Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quoi ! je vous attends encore !… Oh ! que le temps va lentement ! oh ! que j’ai compté les heures !… Arriverez-vous jamais ?

Tous finissaient par n’y plus croire. Tous avaient prévu la Révolution au milieu du siècle. Personne à la fin n’y croyait. Loin du mont Blanc, on le voit ; au pied, on ne le voit plus.

Ah ! c’est fini, dit Mably, en 1784, nous sommes tombés trop bas, les mœurs sont devenues trop faibles. Jamais, oh ! plus jamais ne viendra la Révolution !

Hommes de peu de foi, ne voyez-vous pas que tant qu’elle restait parmi vous, philosophes, parleurs, sophistes, elle ne pouvait rien faire ? Grâce à Dieu, la voilà partout, dans le peuple et dans les femmes… En voici une qui, par sa volonté persévérante, indomptable, ouvre les prisons d’État ; d’avance elle a pris la Bastille… Le jour où la Liberté, la Raison, sortent des raisonnements et descendent à la nature, au cœur (et le cœur du cœur, c’est la femme), tout est fini. Tout l’artificiel est détruit… Rousseau, nous te comprenons, tu avais bien raison de dire : « Revenez à la nature ! »

Une femme se bat à la Bastille. Les femmes font le 5 Octobre. Dès février 1789, je lis avec attendrissement la courageuse lettre des femmes et filles d’Angers : « Lecture faite des arrêtés de messieurs de la jeunesse, déclarons que nous nous joindrons à la nation, nous réservant de prendre soin des bagages, provisions, des consolations et services qui peuvent