Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/127

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Si c’était par la conquête, par la tyrannie d’un maître que ce peuple périssait, il se résignerait encore. Il périt par la bonté ! — Il souffrirait peut-être la dureté d’un Richelieu ; mais comment endurer la bonté de Loménie et de Calonne, la sensibilité des financiers, la philanthropie des fermiers-généraux ?

Souffrir, mourir, à la bonne heure ! mais souffrir par élection, mourir du fait de l’arbitraire, de sorte que la Grâce pour l’un soit mort et ruine de l’autre ! c’est trop, oh ! c’est trop de moitié.

Hommes sensibles qui pleurez sur les maux de la Révolution (avec trop de raison sans doute), versez donc aussi quelques larmes sur les maux qui l’ont amenée.

Venez voir, je vous prie, ce peuple couché par terre, pauvre Job, entre ses faux amis, ses patrons, ses fameux sauveurs, le clergé, la royauté. Voyez le douloureux regard qu’il lance au roi sans parler. Et ce regard, que dit-il ?

« Ô roi, dont j’avais fait mon dieu, dont j’avais dressé l’autel, que j’implorais avant Dieu même, à qui, du fond de la mort, j’ai tant demandé mon salut, vous, mon espoir, vous, mon amour… Quoi ! vous n’avez donc rien senti ?… »