Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lui, doit être fermée par lui ; celui qui ouvrit le premier doit reprendre et finir le chœur. Glorieux siècle ! qu’il mérite d’être appelé à jamais l’âge héroïque de l’esprit. Voici un vieillard au bord du tombeau, il a vu passer les autres, Montesquieu, Diderot, Buffon ; il a assisté au violent succès de Rousseau, trois livres en trois ans… « Et la terre s’est tue… » Voltaire n’est point découragé ; le voici qui entre, vif et jeune, dans une carrière nouvelle… Où donc est le vieux Voltaire ? Il était mort. Mais une voix l’a tiré, vivant, du tombeau, celle qui l’avait toujours fait vivre : la voix de l’Humanité.

Vieil athlète, à toi la couronne !… Te voici encore, vainqueur des vainqueurs. Un siècle durant, par tous les combats, par toute arme et toute doctrine (opposée, contraire, n’importe), tu as poursuivi, sans te détourner jamais, un intérêt, une cause, l’Humanité sainte… Et ils t’ont appelé sceptique ! et ils t’ont dit variable ! ils ont cru te surprendre aux contradictions apparentes d’une parole mobile qui servait la même pensée !…

Ta foi aura pour sa couronne l’œuvre même de la foi. Les autres ont dit la Justice, toi, tu la feras ; tes paroles sont des actes, des réalités. Tu défends Calas et La Barre, tu sauves Sirven, tu brises l’échafaud des protestants. Tu as vaincu pour la liberté religieuse, et tout à l’heure pour la liberté civile, avocat des derniers serfs, pour la réforme de nos procédures barbares, de nos lois criminelles, qui elles-mêmes étaient des crimes.