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CHARLES VII ET PHILIPPE-LE-BON

Si le duc de Bourgogne n’emploie que des Français, que feront-ils ? Ils contreferont la France. Elle a une Chambre des comptes ; ils font une Chambre des comptes. Elle a un Parlement ; ils font un Parlement ou conseil supérieur. Elle parle de rédiger ses coutumes (1453) ; vite, ils se mettent à rédiger les leurs (1459).

Comment se fait-il que cette France pauvre, pâle, épuisée, entraîne cette fière Bourgogne, cette grosse Flandre, dans son tourbillon ?… Cela tient sans doute à la grandeur d’un tel royaume, mais bien plus à son génie de centralisation, à son instinct généralisateur, que le monde imite de loin. De bonne heure chez nous la langue, le droit, ont tendu à l’unité. Dès 1300, la France a tiré de cent dialectes, une langue dominante, celle de Joinville et de Beaumanoir. En même temps, tandis que l’Allemagne et les Pays-Bas erraient au gré de leur rêverie par les mille sentiers du mysticisme, la France centralisait la philosophie dans la scolastique, la scolastique dans Paris.

La centralisation des coutumes, leur codification, éloignée encore, était préparée lentement, sûrement, sinon par la législation, au moins par la jurisprudence. De bonne heure, le Parlement déclara la guerre aux usages locaux, aux vieilles comédies juridiques, aux symboles matériels si chers à l’Allemagne et aux Pays-Bas ; il avoua hautement ne connaître nulle autorité au-dessus de l’équité et de la raison[1].

Telle fut l’invincible attraction de la France ; le duc

  1. App. 178.