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GRANDEUR DE LA MAISON DE BOURGOGNE

avoir vaincu, non la ville de Gand, mais le roi et l’empereur ; c’était à eux à se tenir paisibles, à ne plus se mêler de la Flandre ni du Luxembourg, à remercier Dieu de ce que Monseigneur de Bourgogne était homme doux et pacifique.

Et en effet qu’y avait-il désormais de difficile ou d’impossible ? Du côté de l’Orient ou de l’Occident, qui eût résisté ?

La duchesse, qui était Lancastre par sa mère, regardait volontiers du côté de l’Angleterre, alors ouverte par la guerre civile. Elle voulait (et elle en vint à bout plus tard) marier son fils dans la branche d’York, pour unir les droits des deux branches, en sorte que reniant qui viendrait eût fini peut-être par tenir en une même main les Pays-Bas et l’Angleterre (plus que n’eut Guillaume III).

Ces idées, toutes hardies et ambitieuses qu’elles pouvaient être, étaient encore trop sages pour un tel moment. Le Nord brumeux, l’Angleterre, charmait peu l’imagination. Elle se tournait bien plus volontiers vers le Midi, vers les étranges et merveilleux pays dont on faisait tant de contes ; elle voyageait plutôt du côté des terres d’or, des hommes d’ébène, des oiseaux d’émeraude[1]… Il y avait là bien d’autres duchés, d’autres royaumes à prendre. N’avait-on pas vu la singulière fortune des Braquemont et des Béthen-

  1. Voy. au musée de Bruges, l’Offrande de la perruche à l'enfant Jésus, un des tableaux les plus originaux de Van Eyck. Plusieurs intermèdes du Banquet du faisan (1454) indiquent aussi que les imaginations étaient fort préoccupées des contrées nouvellement découvertes.