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HISTOIRE DE FRANCE

noblesse et les marchands continrent le peuple ; les Brugeois se contentèrent de faire boire et manger les douze mille hors de leurs murs[1].

D’autre part, Gand avait écrit au roi de France une belle et noble lettre, où elle exposait le mauvais gouvernement des gens du comte de Flandre : la lettre, fort obscure vers la fin, semble insinuer que le roi pourrait intervenir ; mais ce qui dans un tel péril, est héroïque et digne de mémoire, c’est qu’il n’y a pas un mot d’appel, pas un mot qui implique reconnaissance de la juridiction royale.

Cependant cet isolement, ce grand danger extérieur, produisait à l’intérieur son effet naturel ; le pouvoir descendait aux petites gens, aux violents. Outre les compagnies ordinaires des Blancs chaperons, une confrérie s’organisa, qui s’appelait de la Verte tente, parce qu’une fois sortis de la ville, ils se vantaient, comme ces anciens barbares du Nord, de ne plus coucher sous un toit[2]. Le petit peuple suivait alors pour chef un homme d’un métier inférieur, un coutelier, d’un courage farouche, d’une taille et d’une force énormes. Il leur plaisait tant qu’ils disaient : « S’il gagne, nous le ferons comte de Flandre. » L’aveugle vaillance du coutelier tourna mal ; surpris, lorsqu’il croyait surprendre, accablé par les Hollandais, il fut mené au duc avec ses braves, et tous, plutôt que de crier merci, aimèrent mieux mourir.

  1. Le duc remercia les Brugeois. App. 155.
  2. C’est une vieille vanterie germanique, celle même des Suèves dans leur guerre contre César.