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HISTOIRE DE FRANCE

trop haut sa tour, qu’elle n’aille pas fabriquer ou vendre sans expresse autorisation… Cela est dur. Et pourtant, s’il en eût été autrement, la Flandre n’eût pu subsister ; disons mieux, selon toute apparence, elle n’eût existé jamais. Ceci demande explication.

La Flandre s’est formée, pour ainsi dire, malgré la nature ; c’est une œuvre du travail humain. L’occidentale a été en grande partie conquise sur la mer qui, en 1251, était encore tout près de Bruges[1]. Jusqu’en 1348, on stipulait dans les ventes de terres que le contrat serait résilié si la terre était reprise par la mer avant dix ans[2]. La Flandre orientale a eu à lutter tout autant contre les eaux douces. Il lui a fallu resserrer, diriger tant de cours d’eaux qui la traversent. De polder en polder[3], les terres ont été endiguées, purgées, raffermies ; les parties même qui semblent aujourd’hui les plus sèches, rappellent par leurs noms[4] qu’elles sont sorties des eaux.

La faible population de ces campagnes, alors noyées, malsaines, n’eût jamais fait à coup sûr des travaux si longs et si coûteux. Il fallait beaucoup de bras, de grandes avances, surtout pouvoir attendre. Ce ne fut qu’à la longue, lorsque l’industrie eut entassé les


    lion des grandes villes était souvent encore appesantie par le despotisme tracassier des métiers : ainsi les tisserands de Damme étaient réglementés, surveillés par ceux de Bruges ; les chandeliers de Bruges exerçaient la même tyrannie sur ceux de l’Écluse, etc. (Dolpierre.)

  1. App. 134.
  2. C’est du moins ce qu’affirme Guichardin dans sa Description de la Flandre.
  3. App. 135.
  4. Beaucoup finissent en dyck, en dam, etc.