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HISTOIRE DE FRANCE

En cela, fort innocemment, il embarrassa ses ennemis. On sait que dans la subtile théorie de la loi anglaise le roi est parfait, qu’il ne peut ni mourir ni se tromper[1], ni oublier, ni être en clémence[2]. Il fallait donc obtenir de lui un mot contre lui, tout au moins un signe[3] par lequel il semblerait approuver la création d’un régent et la nomination d’un primat. Chez ce peuple formaliste, il n’y avait pas moyen de passer outre ; si le roi ne faisait entendre sa volonté, il n’y avait point de gouvernement civil ni ecclésiastique, point de magistrat ni d’évêque, point de paix du roi ni de Dieu ; il n’y avait plus d’État, l’Angleterre était morte légalement.

Une députation de douze pairs laïques et ecclésiastiques fut envoyée à Windsor. « Ils attendirent que le roi eût dîné, et ensuite l’évêque de Chester lui présenta respectueusement les premiers articles de la demande ; mais il ne répondit pas. Le prélat expliqua le reste ; mais pas un mot, pas un signe. Les lamentations, les


    toutefois fort excentrique dans sa jeunesse ; on se rappelle qu’il se présenta un jour à son père dans le costume d’un fol. Son portrait a quelque chose de bizarre et de béat, si j’en juge du moins par la belle gravure que M. Endell Tyler a donnée, d’après l’original de Kensington, en tête de ses Memoirs of Henry the fifth.

  1. Sir Edward Coke admet à grand’peine que le roi, immortel in genere, meure pourtant in individuo. App. 122.
  2. C’est comme une sorte de vertu magique, attribuée par les jurisconsultes au grand sceau royal : sa possession rendait légal tout gouvernement… Richard II, âgé de dix ans et demi, fut supposé en état de régner sans l’assistance d’une régence. (Hallam.)
  3. Il nous resle un compte terrible de tous les médicaments que le Parlement employa pour essayer de remettre le roi en état d’exprimer une volonté : « Clisteria, suppositoria, caputpurgia, gargarismata, balnea, emplastra, emoroidarum provocationes, etc. » (Rymer, 6 april 1454.)