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TROUBLES DE L’ANGLETERRE

avait régné quarante ans ; son père avait régné avant lui et encore son grand-père Henri IV… Mais si le grand-père avait usurpé, pouvait-il transmettre ? Il y avait là de quoi faire songer le saint roi, dans ses longues heures de méditation et de prière… Les revers de France n’étaient-ils pas une sorte de jugement de Dieu, un signe contre la maison de Lancastre ?… Cette maison avait régné longtemps par l’Église et avec elle ; mais voilà que l’Église s’en éloignait peu à peu. Dieu retirait à lui les grands prélats qui avaient gouverné le royaume, le cardinal Winchester, le chancelier évêque de Chichester, celui enfin à qui le roi se confiait, comme à un des plus sages lords, le primat (l’Angleterre, archevêque de Cantorbéry.

Les pacifiques s’en allaient ; mais les violents ne manquaient pas moins : Suffolk avait péri, Somerset était enfermé à la Tour, la reine était malade ; elle allait mettre au monde un prince, une victime pour la guerre civile[1]. Le pauvre roi, délaissé de tous ceux qui jusque-là le soutenaient, qui voulaient pour lui, finit par s’abandonner lui-même ; son faible esprit déserta et s’en alla dès lors vers de meilleures régions[2].


    tout le royaume ; j’ai porté quarante ans la couronne, et tous m’ont fait hommage… » — Au reste, quel que fût son droit, il n’eût pas consenti, pour le défendre, à la mort d’un seul homme. Entrant un jour à Londres, il vit les membres d’un traître que l’on avait exposés : « Ôtez, ôtez, dit-il ; à Dieu ne plaise qu’un chrétien soit traité si cruellement pour moi ! » (Blakman, ap. Hearne.)

  1. App. 121.
  2. Tenait-il uniquement cette disposition de la folie de son grand-père, Charles VI ? Son père, Henri V, qui fit preuve d’un jugement si ferme, était