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TROUBLES DE L’ANGLETERRE

roi et la reine. — Cela parut logique et bien lié ; John Bull n’eut pas un doute !

Le contradictoire et l’absurde étant admis comme évidents, il n’y avait rien à répondre. Suffolk essaya néanmoins. Il énumérales services de sa famille, tous ses parents tués pour le pays, il rappela que lui-même il avait passé trente-quatre ans à faire la guerre en France, dix-sept hivers de suite sous les armes sans revoir le foyer[1], puis sa fortune ruinée par sa rançon, puis douze années dans le conseil. Était-il bien probable qu’il voulût couronner tant de services, une vie si avancée, par une trahison ?

Il avait beau dire ; à chaque mot de justification survenait, comme une charge de plus, quelque mauvaise nouvelle. Il n’abordait plus de bateau qu’il n’apprit un malheur : Harfleur aujourd’hui, Honfleur demain, puis, une à une, toutes les villes de la Basse-Normandie ; puis (chose plus sensible encore), la défense de vendre les draps anglais en Hollande… Ainsi les bruits lugubres se succédaient sans intervalle ; c’était comme une cloche funèbre qui de l’autre rivage sonnait la mort de Suffolk… On peut juger de la rage du peuple par une ballade du temps où l’on mêle ironiquement son nom et ceux de ses amis aux paroles consacrées de l’office des morts.

La reine essaya d’un moyen pour sauver la victime ;


    avait le premier droit au trône, après Henri VI, dans la ligne de Lancastre. Mariée à tout autre qu’au fils du ministre, confident de la reine, cette héritière eût été infiniment dangereuse. Nul doute que ce mariage ne se soit fait par la volonté de Marguerite.

  1. App. 110.