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HISTOIRE DE FRANCE

pas que la Normandie ait été aussi dégarnie que Somerset voulait le faire croire. Mais les troupes étaient dispersées, dans chaque ville quelques Anglais au milieu d’une population hostile. Qu’auraient-ils fait, même plus forts, contre ce grand et invincible mouvement de la France qui voulait redevenir française ? Personne ne comprenait cela en Angleterre. La Normandie avait été désarmée à dessein, trahie, vendue. N’avait-on pas vu le père de la reine dans l’armée du roi de France ?… Tous les revers de cette campagne, la Seine perdue, Rouen rendue, l’épée de l’Angleterre, lord Talbot, mise en gage, toute cette masse de malheurs et de hontes retomba d’aplomb sur la tête de Suffolk.

Le 28 janvier 1450, la Chambre basse présente au roi une humble adresse : « Les pauvres communes du royaume sont tendrement, passionnément et de cœur portées au bien de sa personne, autant que jamais communes le furent pour leur souverain lord[1]… » Toutes ces tendresses pour demander du sang… Dans cette étrange pièce, les choses les plus contradictoires étaient affirmées en même temps : Suffolk vendait l’Angleterre au roi de France et au père de la reine : il tenait un château tout plein de munitions pour l’ennemi qui devait faire une descente. Et pourquoi appelait-il les Français, les parents et amis de la reine ? Pour faire roi son fils[2] à lui Suffolk, en renversant le

  1. « As lovingly, as heartily, and as tenderly… » (Turner.)
  2. Il avait fait épouser à son fils la fille de l’aîné des Somerset, laquelle