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HISTOIRE DE FRANCE

les récits différaient ; les uns le disaient étranglé, quoiqu’il eût été exposé et ne portât aucune marque ; les autres reproduisaient l’histoire lugubre de l’autre Glocester, oncle de Richard II, étouffé, disait-on, entre deux matelas. D’autres, enfin, plus cruels, préféraient l’horrible tradition d’Édouard II, et le faisaient mourir empalé.

Il est rare qu’une femme de dix-sept ans ait déjà le courage atroce d’un tel crime ; il est rare qu’un vieillard de quatre-vingts ans ordonne un meurtre, au moment de paraître devant Dieu. Je crains qu’il n’y ait ici erreur de date, qu’on n’ait jugé Winchester mourant par le Winchester d’un autre âge ; et que, d’autre part, on n’ait déjà vu dans une reine enfant, à peine sortie de la cour de René, cette terrible Marguerite qui, dans la suite, effarouchée de haine et de vengeance, mit une couronne de papier sur la tête sanglante d’York.

Quant à Suffolk, l’accusation était moins invraisemblable. Il avait eu le tort d’autoriser d’avance tout ce qu’on pourrait dire, en se donnant, par un arrangement odieux, un intérêt pécuniaire à la mort de Glocester. Cependant ses ennemis les plus acharnés, dans l’acte d’accusation qu’ils lancèrent contre lui de son vivant, ne font nulle mention de ce crime. On ne le lui a jamais reproché en face, mais plus tard, après sa mort, lorsqu’il n’était plus là pour se défendre.

Le crime, au reste, s’il y en eut un, ne pouvait qu’être inutile. Il restait un prétendant dans la ligne de Lancastre, le duc de Somerset ; et il en restait un