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HISTOIRE DE FRANCE

qu’au dernier. Un historien français leur rend ce témoignage : « Les nobles hommes qui avoient esté en plusieurs journées contre les Anglois et autres, m’ont dit qu’ils n’avoient vu ni trouvé aucune gens de si grande défense, ni si outrageux et téméraires pour abandonner leur vie[1]. »

C’était une défaite honorable, une leçon toutefois, la seconde qu’eussent reçue les Suisses ; la première leur avait été donnée par le Piémontais Carmagnola. Il faut voir aussi avec quels efforts, quelles adresses maladroites, quel flot de phrases et de rhétorique leurs historiens ont tâché de couvrir la réalité du fait ; ils diminuent le nombre des Suisses, augmentent celui de leurs ennemis ; ils tâchent de faire entendre que toute l’armée des Armagnacs fut engagée ; ils peignent l’admiration du dauphin (qui n’y était pas[2] et qui de sa nature n’admirait pas aisément) ; enfin, pour que rien ne manque au merveilleux, ils ajoutent ce petit conte. Le Souabe Burckard Monck se promenait sur le champ de bataille, riant aux éclats à la vue de ses cadavres, et il se mit à dire : « Nous nageons dans les roses. » Mais, parmi tous ces gens quasi-morts, en voilà un qui ressuscite et qui, d’une pierre roidement lancée, frappe Burckard à la tête ; il en meurt trois jours après[3].

Le dauphin, ajoutent-ils, fut si effrayé de la valeur

  1. Mathieu de Couci.
  2. « Le dauphin ne se trouva point en personne à cette besongne, ny aucuns des plus grands et principaux de son conseil. » (Ibid.) App. 99.
  3. Tschudi.