Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/198

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
188
HISTOIRE DE FRANCE

Ces présomptions étaient favorables ; d’autre part on ne pouvait nier que ses juges ne fussent ses ennemis. Il les récusa. Mais il n’était pas facile de récuser une foule de témoins, pauvres gens, pères ou mères affligés, qui venaient à la file, pleurant et sanglotant, raconter avec détail comment leurs enfants avaient été enlevés. Les misérables qui avaient servi à tout cela, n’épargnaient pas non plus celui qu’ils voyaient perdu sans ressource. Alors il cessa de nier, et, se mettant à pleurer, il fit sa confession. Telle était cette confession que ceux qui l’entendirent, juges ou prêtres, habitués à recevoir les aveux du crime, frémirent d’apprendre tant de choses inouïes et se signèrent… Ni les Néron de l’empire, ni les tyrans de Lombardie, n’auraient eu rien à mettre en comparaison ; il eût fallu ajouter tout ce que recouvrit la mer Morte, et par-dessus encore les sacrifices de ces dieux exécrables qui dévoraient des enfants.

On trouva dans la tour de Chantocé une pleine tonne d’ossements calcinés, des os d’enfants en tel nombre qu’on présuma qu’il pouvait y en avoir une quarantaine[1]. On en trouva également dans les latrines du château de la Suze, dans d’autres lieux, partout où il avait passé. Partout il fallait qu’il tuât… On porte à cent quarante le nombre d’enfants qu’avait égorgés la bête d’extermination[2].

Comment égorgé, et pourquoi ? c’est ce qui était plus

  1. Manuscrit des Archives de Nantes, dépositions d’Étienne Corillani et de Griart.
  2. Ibid., pièces justificatives. Le seul valet de chambre Henriet reconnaît en avoir livre quarante. (Bibl. royale, mss. 493, F.)