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PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

L’orgueil a eu les siens, et la haine et l’esprit de dispute. Aucun siècle n’a manqué de martyrs batailleurs, qui sans doute mouraient de bonne grâce, quand ils n’avaient pu tuer… Ces fanatiques n’ont rien à voir ici. La sainte fille n’est point des leurs, elle eut un signe à part : Bonté, charité, douceur d’âme.

Elle eut la douceur des anciens martyrs, mais avec une différence. Les premiers chrétiens ne restaient doux et purs qu’en fuyant l’action, en s’épargnant la lutte et l’épreuve du monde. Celle-ci fut douce dans la plus âpre lutte, bonne parmi les mauvais, pacifique dans la guerre même ; la guerre, ce triomphe du Diable, elle y porta l’esprit de Dieu.

Elle prit les armes quand elle sut « la pitié qu’il y avoit au royaume de France ». Elle ne pouvait voir « couler le sang françois ». Cette tendresse de cœur, elle l’eut pour tous les hommes ; elle pleurait après les victoires et soignait les Anglais blessés.

Pureté, douceur, bonté héroïque, que cette suprême beauté de l’âme se soit rencontrée en une fille de France, cela peut surprendre les étrangers qui n’aiment à juger notre nation que par la légèreté de ses mœurs. Disons-leur (et sans partialité, aujourd’hui que tout cela est si loin de nous) que sous cette légèreté, parmi ses folies et ses vices même, la vieille France n’en fut pas moins le peuple de l’amour et de la grâce.

Le sauveur de la France devait être une femme. La France était femme elle-même. Elle en avait la mobilité, mais aussi l’aimable douceur, la pitié facile et charmante, l’excellence au moins du premier mouvement.