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HISTOIRE DE FRANCE


simple fille des campagnes, du pauvre peuple de France… Car il y eut un peuple, il y eut une France. Cette dernière figure du passé fut aussi la première du temps qui commençait. En elle apparurent à la fois la Vierge… et déjà la Patrie.

Telle est la poésie de ce grand fait, telle en est la philosophie, la haute vérité. Mais la réalité historique n’en est pas moins certaine ; elle ne fut que trop positive et trop cruellement constatée… Cette vivante énigme, cette mystérieuse créature, que tous jugèrent surnaturelle, cet ange ou ce démon, qui, selon quelques-uns, devait s’envoler un matin[1], il se trouva que c’était une jeune femme, une jeune fille, qu’elle n’avait point d’ailes, qu’attachée comme nous à un corps mortel, elle devait souffrir, mourir, et de quelle affreuse mort !

Mais c’est justement dans cette réalité qui semble dégradante, dans cette triste épreuve de la nature, que l’idéal se retrouve et rayonne. Les contemporains eux-mêmes y reconnurent le Christ parmi les Pharisiens[2]… Toutefois nous devons y voir encore autre chose, la Passion de la Vierge, le martyre de la pureté. Il y a eu bien des martyrs ; l’histoire en cite d'innombrables, plus ou moins purs, plus ou moins glorieux.

  1. Lorsqu'elle entra à Troyes, le clergé lui jeta de l’eau bénite, pour s’assurer si c’était une personne réelle, ou une vision diabolique. Elle sourit et dit : « Approchez hardiment, je ne m'envoulleray pas. » Voy. l’interrogatoire du 3 mars 1430.
  2. L'évêque de Beauvais .. « et sa compagnie ne se montrèrent pas moins affectés à faire mourir la Pucelle que Cayphe et Anne, et les scribes et pharisées se montrèrent affectés à faire mourir Notre-Seigneur. » (Chronique de la Pucelle.)