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HISTOIRE DE FRANCE

assesseurs avaient jugé qu’il était de droit de lui relire son abjuration ; l’évêque n’en fit rien. Il craignait des démentis, des réclamations. Mais la pauvre fille ne songeait guère à chicaner ainsi sa vie, elle avait bien d’autres pensées. Avant même qu’on ne l’eût exhortée à la contrition, elle s’était mise à genoux, invoquant Dieu, la Vierge, saint Michel et sainte Catherine, pardonnant à tous et demandant pardon, disant aux assistants : « Priez pour moi !… » Elle requérait surtout les prêtres de dire chacun une messe pour son âme… Tout cela de façon si dévote, si humble et si touchante, que l’émotion gagnant, personne ne peut plus se contenir ; l’évêque de Beauvais se mit à pleurer, celui de Boulogne sanglotait, et voilà que les Anglais eux-mêmes pleuraient et larmoyaient aussi, Winchester comme les autres[1].

Serait-ce dans ce moment d’attendrissement universel, de larmes, de contagieuse faiblesse, que l’infortunée, amollie et redevenue simple femme, aurait avoué qu’elle voyait bien qu’elle avait eu tort, qu’on l’avait trompée apparemment en lui promettant délivrance ? Nous n’en pouvons trop croire là-dessus le témoignage intéressé des Anglais[2]. Toutefois, il faudrait bien peu connaître la nature humaine pour douter qu’ainsi trompée dans son espoir, elle n’ait vacillé dans sa foi…

  1. « Episcopus Belvacensis flevit… » — « Le cardinal d’Angleterre et plusieurs autres Anglois furent contraincts plourer. » (Notices des mss.)
  2. L’information qu’ils firent faire sur ces prétendues rétractations n’est signée ni des témoins devant qui elles auraient eu lieu, ni des greffiers du procès. — Trois de ces témoins, qui furent interrogés plus tard, n’en disent rien et paraissent n’en avoir eu aucune connaissance. (L’Averdy.)