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HISTOIRE DE FRANCE

noirs. Elles sont plus propres que les églises italiennes, et non pas moins coquettes. La Flandre est une Lombardie prosaïque, à qui manquent la vigne et le soleil. Quelque autre chose manque aussi ; on s’en aperçoit en voyant ces innombrables figures de bois que l’on rencontre de plain-pied dans les cathédrales ; sculpture économique qui ne remplace pas le peuple de marbre des cités d’Italie[1]. Par-dessus ces églises, au sommet de ces tours, sonne l’uniforme et savant carillon, l’honneur et la joie de la commune flamande. Le même air, joué d’heure en heure pendant des siècles, a suffi au besoin musical de je ne sais combien de générations d’artisans, qui naissaient et mouraient fixés sur l’établi[2].

Mais la musique et l’architecture sont trop abstraites encore. Ce n’est pas assez de ces sons, de ces formes ; il faut des couleurs, de vives et vraies couleurs, des représentations vivantes de la chair et des sens. Il faut dans les tableaux de bonnes et rudes fêtes, où des hommes rouges et des femmes blanches boivent, fument et dansent lourdement[3]. Il faut des supplices atroces, des martyrs indécents et horribles, des Vierges énormes, fraîches, grasses, scandaleusement belles. Au delà de l’Escaut, au milieu des tristes marais, des eaux profondes, sous les hautes digues de Hollande,

  1. La seule cathédrale de Milan est couronnée de cinq mille statues et figurines.
  2. Il est juste de remarquer que cet instinct musical s’est développé d’une manière remarquable, surtout dans la partie wallonne.
  3. Voy. au Musée du Louvre le tableau intitulé : Fête Flamande. C’est la plus effrénée et la plus sensuelle bacchanale.