Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 2.djvu/61

Cette page a été validée par deux contributeurs.
51
TABLEAU DE LA FRANCE

Faustus, par Cassien, par cette noble école de Lérins, la gloire du cinquième siècle. Quand le Breton Descartes affranchit la philosophie de l’influence théologique, le Provençal Gassendi tenta la même révolution au nom du sensualisme. Et au dernier siècle, les athées de Saint-Malo, Maupertuis et La Mettrie, se rencontrèrent chez Frédéric, avec un athée provençal (d’Argens).

Ce n’est pas sans raison que la littérature du Midi, au douzième et au treizième siècle, s’appelle la littérature provençale. On vit alors tout ce qu’il y a de subtil et de gracieux dans le génie de cette contrée. C’est le pays des beaux parleurs, abondants, passionnés (au moins pour la parole), et quand ils veulent, artisans obstinés de langage ; ils ont donné Massillon, Mascaron, Fléchier, Maury, les orateurs et les rhéteurs. Mais la Provence entière, municipes, Parlement et noblesse, démagogie et rhétorique, le tout couronné d’une magnifique insolence méridionale s’est rencontré dans Mirabeau, le col du taureau, la force du Rhône.

Comment ce pays-là n’a-t-il pas vaincu et dominé la France ? Il a bien vaincu l’Italie au treizième siècle. Comment est-il si terne maintenant, en exceptant Marseille, c’est-à-dire la mer ? Sans parler des côtes malsaines, et des villes qui se meurent, comme Fréjus[1], je ne vois partout que ruines. Et il ne s’agit pas ici de ces beaux restes de l’antiquité, de ces ponts romains,

  1. App. 24.