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HISTOIRE DE FRANCE

infatigables danser la moresque, les sonnettes aux genoux, ou exécuter à neuf, à onze, à treize, la danse des épées, le bacchuber, comme disent leurs voisins de Gap ; ou bien, à Riez, jouer tous les ans la bravade des Sarrasins[1]. Pays de militaires, des Agricola, des Baux, des Crillon ; pays des marins intrépides ; c’est une rude école que ce golfe de Lion. Citons le bailli de Suffren, et ce renégat qui mourut capitan-pacha en 1706 ; nommons le mousse Paul (il ne s’est jamais connu d’autre nom) ; né sur mer, d’une blanchisseuse, dans une barque battue par la tempête, il devint amiral et donna sur son bord une fête à Louis XIV ; mais il ne méconnaissait pas pour cela ses vieux camarades, et voulut être enterré avec les pauvres, auxquels il laissa tout son bien.

Cet esprit d’égalité ne peut surprendre dans ce pays de républiques, au milieu des cités grecques et des municipes romains. Dans les campagnes même, le servage n’a jamais pesé comme dans le reste de la France. Ces paysans étaient leurs propres libérateurs et les vainqueurs des Maures ; eux seuls pouvaient cultiver la colline abrupte, et resserrer le lit du torrent. Il fallait contre une telle nature des mains libres, intelligentes.

Libre et hardi fut encore l’essor de la Provence dans la littérature, dans la philosophie. La grande réclamation du Breton Pélage en faveur de la liberté humaine fut accueillie, soutenue en Provence par

  1. Dans les Pyrénées, c’est Renaud, monté sur son bon cheval Bayard, qui délivre une jeune fille des mains des infidèles.