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TABLEAU DE LA FRANCE

espagnol, plus farouche que le nôtre, a lui-même l’aspect d’une de ses bêtes, avec sa peau de mouton sur le dos, et aux jambes son abarca de peau velue de bœuf, qu’il attache avec des cordes.

La formidable barrière de l’Espagne nous apparaît enfin dans sa grandeur. Ce n’est point, comme les Alpes, un système compliqué de pics et de vallées, c’est tout simplement un mur immense qui s’abaisse aux deux bouts[1]. Tout autre passage est inaccessible aux voitures, et fermé au mulet, à l’homme même, pendant six ou huit mois de l’année. Deux peuples à part, qui ne sont réellement ni Espagnols ni Français, les Basques à l’ouest, à l’est les Catalans et Roussillonnais[2], sont les portiers des deux mondes. Ils ouvrent et ferment ; portiers irritables et capricieux, las de l’éternel passage des nations, ils ouvrent à Abdérame, ils ferment à Roland ; il y a bien des tombeaux entre Roncevaux et la Seu d’Urgel.

Ce n’est pas à l’historien qu’il appartient de décrire et d’expliquer les Pyrénées. Vienne la science de Cuvier et d’Élie de Beaumont, qu’ils racontent cette histoire anté-historique. Ils y étaient, eux, et moi je n’y étais pas, quand la nature improvisa sa prodigieuse épopée géologique, quand la masse embrasée du globe

  1. Le mot basque murua signifie muraille et Pyrénées. (W. de Humboldt.)
  2. A. Young, I. « Le Roussillon est vraiment une partie de l’Espagne, les habitants sont Espagnols de langage et de mœurs. Les villes font exception ; elles ne sont guère peuplées que d’étrangers. Les pêcheurs des côtes ont un aspect tout moresque. » — La partie centrale des Pyrénées, le comté de Foix (Ariège) est toute française d’esprit et de langage : peu ou point de mots catalans.