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LOUIS-LE-JEUNE ET HENRI II (PLANTAGENET)

pourquoi tu as été enlevée de ton pays et amenée dans la terre étrangère. Les chants se sont changés en pleurs, la cithare a fait place au deuil. Nourrie dans la liberté royale au temps de ta molle jeunesse, tes compagnes chantaient, tu dansais au son de leur guitare… Aujourd’hui, je t’en conjure, reine double, modère du moins un peu tes pleurs. Reviens, si tu peux, reviens à tes villes, pauvre prisonnière.

« Où est ta cour ? où sont tes jeunes compagnes ? où sont tes conseillers ? Les uns, traînés loin de leur patrie, ont subi une mort ignominieuse ; d’autres ont été privés de la vue ; d’autres, bannis, errent en différents lieux. Toi, tu cries, et personne ne t’écoute ; car le roi du Nord te tient resserrée comme une ville qu’on assiège. Crie donc, ne te lasse point de crier ; élève ta voix comme la trompette, pour que tes fils l’entendent, car le jour approche où tes fils te délivreront, où tu reverras ton pays natal[1]. »

Ce fut le sort du roi Henri, dans ses dernières années, d’être le persécuteur de sa femme et l’exécration de ses fils. Il se plongeait dans les plaisirs en désespéré. Tout vieilli qu’il était, grisonnant, chargé d’un ventre énorme, il variait tous les jours l’adultère et le viol. Il ne lui suffisait pas de sa belle Rosamonde, dont il avait toujours les bâtards autour de lui. Il viola sa cousine Alix[2], héritière de Bretagne, qui lui avait été confiée comme otage, et lorsqu’il eut obtenu pour

  1. Richard de Poitiers.
  2. Jean de Salisbury : « Impregnavit, ut proditor, ut adulter, ut incestus. »