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LOUIS-LE-JEUNE ET HENRI II (PLANTAGENET)

qu’il a jetés dans les liens de l’anathème. » Ils se levèrent alors en furieux, agitant leurs bras et tordant leurs gants. Puis s’adressant aux assistants, ils leur dirent : « Au nom du roi, vous nous répondez de cet homme, pour le représenter en temps et lieu. — Eh quoi, dit l’archevêque, croiriez-vous que je veux m’échapper ? je ne fuirais ni pour le roi, ni pour aucun homme vivant. — Tu as raison, dit l’un des Normands, Dieu aidant, tu n’échapperas pas. » L’archevêque rappela en vain Hugues de Morville, le plus noble d’entre eux, et celui qui semblait devoir être le plus raisonnable. Mais ils ne l’écoutèrent pas, et partirent en tumulte, avec de grandes menaces.

La porte fut fermée aussitôt derrière les conjurés ; Renaud s’arma devant l’avant-cour, et prenant une hache des mains d’un charpentier qui travaillait, il frappa contre la porte pour l’ouvrir ou la briser. Les gens de la maison, entendant les coups de hache, supplièrent le primat de se réfugier dans l’église, qui communiquait à son appartement par un cloître ou une galerie ; il ne voulut point, et on allait l’y entraîner de force, quand un des assistants fit remarquer que l’heure des vêpres avait sonné. « Puisque c’est l’heure de mon devoir, j’irai à l’église », dit l’archevêque ; et faisant porter sa croix devant lui, il traversa le cloître à pas lents, puis marcha vers le grand autel, séparé de la nef par une grille entr’ouverte.

Quand il entra dans l’église, il vit les clercs en rumeur qui fermaient les verroux des portes : « Au nom de votre vœu d’obéissance, s’écria-t-il, nous vous