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HISTOIRE DE FRANCE

réconciliation il fit dire une messe des morts[1]. Cette messe fut dite dans une chapelle dédiée aux martyrs. Un clerc de l’archevêque en fit la remarque, et dit : « Je crois bien, en effet, que l’Église ne recouvrera la paix que par un martyre » ; à quoi Thomas répondit : « Plaise à Dieu qu’elle soit délivrée, même au prix de mon sang ! » — Le roi de France avait dit aussi : « Pour moi, je ne voudrais pas, pour mon pesant d’or, vous conseiller de retourner en Angleterre, s’il vous refuse le baiser de paix. » Et le comte Thibault de Champagne ajouta : « Ce n’est pas même assez du baiser. »

Depuis longtemps Thomas prévoyait son sort, et s’y résignait. A son départ du couvent de Pontigny, dit l’historien contemporain, l’abbé lui vit pendant le souper verser des larmes. Il s’étonna, lui demanda s’il lui manquait quelque chose, et lui offrit tout ce qui était en son pouvoir. « Je n’ai besoin de rien, dit l’archevêque, tout est fini pour moi. Le Seigneur a daigné la nuit dernière apprendre à son serviteur la fin qui l’attend. — Quoi de commun, dit l’abbé en badinant, entre un bon vivant et un martyr, entre le calice du martyre et celui que vous venez de boire ? » L’archevêque répondit : « Il est vrai, j’accorde quelque chose aux plaisirs du corps[2], mais le Seigneur est bon, il justifie l’indigne et l’impie. »

  1. On avait choisi cette messe, parce qu’on ne s’y donnait pas de baiser de paix à l’évangile, comme aux autres offices.
  2. Voyez cependant dans Hoveden la vie austère et mortifiée que menait le saint. Sa table était splendide, et cependant il ne prenait que du pain et de l’eau. Il priait la nuit, et le matin réveillait tous les siens. Il se faisait donner la nuit trois ou cinq coups de discipline, autant le jour, etc.