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LOUIS-LE-JEUNE ET HENRI II (PLANTAGENET)

toute sa violence, de toute sa passion. Il fallait payer le plaisir, payer le meurtre. L’homme ingénieux et inventif qui savait trouver l’or, c’était un certain prêtre, qui s’était d’abord fait connaître comme délateur. Cet homme devint le bras droit de Guillaume, son pourvoyeur. Mais c’était un rude engagement que de remplir ce gouffre sans fond. Pour cela, il fit deux choses : il refit le Doomsday book, revit et corrigea le livre de la conquête, s’assura si rien n’avait échappé. Il reprit la spoliation en sous-œuvre, se mit à ronger les os déjà rongés, et sut encore en tirer quelque chose. Mais après lui rien n’y restait. On l’avait baptisé du nom de Flambard[1]. Des vaincus, il passa aux vainqueurs, d’abord aux prêtres ; il mit la main sur les biens d’Église. L’archevêque de Kenterbury serait mort de faim sans la charité de l’abbé de Saint-Alban. Les scrupules n’arrêtaient point Flambard. Grand justicier, grand trésorier, chapelain du roi encore (c’était le chapelain qu’il fallait à Guillaume), il suçait l’Angleterre par trois bouches. Il en alla ainsi jusqu’à ce que Guillaume eût rencontré sa fin dans cette belle forêt que le Conquérant semblait avoir plantée pour la ruine des siens. « Tire donc, de par le diable ! » dit le roi Roux à son bon ami qui chassait avec lui. Le diable le prit au mot, et emporta cette âme qui lui était si bien due.

Le successeur, ce ne fut pas le frère ainé, Robert. La royauté du bâtard Guillaume devait passer au plus

  1. Orderic Vital.