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HISTOIRE DE FRANCE

locale est faible. Je dirai même que c’est là la beauté de notre pays. Il n’a pas cette tête de l’Angleterre monstrueusement forte d’industrie, de richesse ; mais il n’a pas non plus le désert de la Haute-Écosse, le cancer de l’Irlande. Vous n’y trouvez pas, comme en Allemagne et en Italie, vingt centres de science et d’art ; il n’en a qu’un, un de vie sociale. L’Angleterre est un empire, l’Allemagne un pays, une race ; la France est une personne.

La personnalité, l’unité, c’est par là que l’être se place haut dans l’échelle des êtres. Je ne puis mieux me faire comprendre qu’en reproduisant le langage d’une ingénieuse physiologie.

Chez les animaux d’ordre inférieur, poissons, insectes, mollusques et autres, la vie locale est forte. « Dans chaque segment de sangsues se trouve un système complet d’organes, un centre nerveux, des anses et des renflements vasculaires, une paire de lobes gastriques, des organes respiratoires, des vésicules séminales. Aussi a-t-on remarqué qu’un de ces segments peut vivre quelque temps, quoique séparé des autres. A mesure qu’on s’élève dans l’échelle animale, on voit les segments s’unir plus intimement les uns aux autres, et l’individualité du grand tout se prononcer davantage… L’individualité dans les animaux composés ne consiste pas seulement dans la soudure de tous les organismes, mais encore dans la jouissance commune d’un nombre de parties, nombre qui devient plus grand à mesure qu’on approche des degrés supérieurs. La centralisation est plus complète, à mesure