Page:Michelet - La femme.djvu/71

Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus qu’on ne fait à un père ; il ne le quittait qu’en pleurant, et, s’il tardait, pleurait pour le revoir.

On se figure trop aisément qu’une destinée est gâtée sans retour. Notre bonne vieille France ne pensait pas ainsi. Toute femme qui émigrait, par exemple, au Canada, passait pour purifiée de toute faute et de tout malheur, par le baptême de la mer. Ce n’était pas une vaine opinion. Elles prouvaient parfaitement qu’en effet il en était ainsi, devenaient d’admirables épouses, d’excellentes mères de famille.

Mais l’émigration la meilleure, pour celles qui, presque enfants, se sont trouvé jetées par le hasard dans une vie légère, c’est de remonter courageusement par le travail et les privations. Un de nos premiers penseurs a soutenu cette thèse dans une lettre sévère à une de nos pauvres amazones, si brillantes et si malheureuses, qui lui demandait comment on peut sortir de ce gouffre. La lettre, très-dure de forme, mais bonne au fond et très-bonne, lui dit comment elle peut expier par la misère, se laver par le travail et la souffrance voulue, redevenir digne et pure. Il a tout à fait raison. L’âme de femme, bien plus mobile, plus fluide que l’âme d’homme, n’est jamais si profondément corrompue. Quand elle a voulu sérieusement revenir au bien, qu’elle a vécu