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touchait pas. Ce qu’il fallait, c’était une femme qui le tînt, le baisât, se mêlât de cœur avec lui, lui rendit le sein maternel.

Quand ils survivent et durent, vient un autre danger. C’est une sorte d’endurcissement. Ceux qui se sentent abandonnés, qui savent que leurs parents ont été si cruels, se trouvent entrés dans la vie par une rude porte de guerre, et sont disposés à croire la société ennemie. Qu’un autre enfant leur jette à la tête le nom de bâtard, ils s’aigrissent, s’irritent, haïssent l’humanité, la nature, leurs camarades. Les voilà en grand chemin de mal faire, et de mériter ce mépris, d’abord si injuste. Tel est misanthrope à dix ans. Si cet enfant est une fille, il suffit qu’on l’ait méprisée pour qu’elle s’abandonne elle-même, ne se garde point, cède au mal. Il est bien nécessaire qu’un bon cœur soigne la jeune âme, lui fasse sentir par la tendresse tout ce qu’elle a de prix encore, lui montre que, malgré son malheur, le monde lui est ami, et qu’elle doit se respecter, et faire honneur à ceux qui l’aiment.

Il y a un moment surtout, une crise de l’âge, où les soins collectifs sont tout à fait insuffisants, où il faut une affection. Imaginez, la pauvre enfant souffrante dans la dure éducation des tables communes, des grands dortoirs communs, de ces longues galeries où l’on n’obtient la salubrité que par une netteté