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glaise n’a pas le moindre ressort, aucune arme contre la honte, rien à dire (celles qui parlent sont des Irlandaises). L’Anglaise ne peut se soutenir, dans son abattement moral, qu’en buvant du gin de quart d’heure en quart d’heure, et se maintenant ainsi dans des demi-ténèbres où elle voit à peine elle-même ce qu’elle reçoit d’affronts.

Des filles, hélas ! de quinze ans, douze ans, qu’on oblige à ce métier et à faire de petits vols, c’étaient en bonne partie la matière des razzias que la police faisait et qu’une condamnation rapide envoyait en Australie. On les entassait souvent sur de vieux mauvais vaisseaux, comme l’Océan, qui sombra devant Calais même, et nous jeta quatre cents corps de femmes, très-jeunes et jolies presque toutes. Ceux qui le virent en pleurèrent et s’en arrachaient les cheveux.

On peut juger de ce que devenait ce pauvre bétail humain, comme de jeunes brebis sans défense, jeté au monde des forçats. Traquées dans les rues de Sidney, elles n’échappaient aux outrages continuels, qu’en allant coucher la nuit à la belle étoile, hors la ville et dans les rochers.

Carolina fut blessée, et dans sa pudeur anglaise et dans sa bonté de femme, par ce révoltant spectacle. Elle invoqua l’autorité ; mais celle-ci, tout occupée de la surveillance de tant d’hommes dan-