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On peut deviner combien elles étaient recherchées, poursuivies. Chaque vaisseau qui arrivait chargé de femmes était attendu au débarquement, salué de clameurs sauvages, qu’on eût dit des cris de famine. Les actes les plus violents, les plus révoltants étaient ordinaires. Même les femmes d’employés, dont les maris étaient absents, n’avaient nulle sûreté chez elles. Quant aux filles déportées, elles tombaient dans cette foule comme un gibier qu’on relançait.

Pour comprendre l’horreur de cette situation, il faut savoir ce que c’est qu’une Anglaise. Elles n’ont nullement l’adresse, l’esprit de ressources et d’expédients, qui caractérise les nôtres. Elles ne savent pas travailler ; elles ne sont bonnes absolument qu’aux enfants et au ménage. Elles sont très-dépendantes (modestes, n’apportant pas de dot). Mariées, elles sont fort battues. Mais celle qui n’est pas mariée, c’est une malheureuse créature, qui ne sait se tirer d’affaire, effarée, qui heurte, tombe, se fait mal partout. Quelqu’un a dit : « Un chien perdu, » qui erre et cherche son maître, et ne sait pas s’en faire un.

Leurs filles publiques elles-mêmes sont plus à plaindre que celles d’ici. Celles-ci, dans leur triste état, se défendent par l’ironie et peuvent encore relativement se faire un peu respecter. La fille an-