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Qu’elle en sera heureuse ! quelle foi sans limite, quelle passion d’obéissance, elle apporte aux commencements. La fille t’éludait. On peut voir dans les chants de la Perse moderne, dans le chant provençal (V. Mireille), comme elle fuit par toute la nature, prend cent formes pour se faire poursuivre. Mais, une fois atteinte, blessée, devenue femme, loin de fuir, elle suit, veut suivre son vainqueur ; elle veut être prise encore plus. Et cette fois elle ne ment pas. Dans cet effort naïf et si touchant, elle ne craint que d’être importune, va derrière, pas pour pas, et dit : « J’irai partout. » Invente, si tu peux, un monde difficile et nouveau ; elle t’y suit. Elle se fera élément, air, mer, flamme, pour te suivre dans l’infini. Mieux encore, elle sera toute énergie de vie qui puisse se mêler à la tienne, si tu veux, une fleur, si tu veux, un héros. — Charmant bienfait de Dieu ! Malheur à l’homme froid, inintelligent, orgueilleux, qui, croyant avoir tout, ne sait mettre à profit le dévouement immense, l’abandon délicieux de celle qui veut tant se donner et le faire jouir davantage.




Il faut songer que l’homme a cent pensées, cent affaires. Elle une seule, son mari. Tu dois te dire