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même berceau, nourris au même foyer, commencèrent ensemble l’amour et la vie ! comme Isis et Osiris, les divins jumeaux, qui s’aimèrent au sein de leur mère, et s’aimèrent même après la mort.

Mais la fable nous apprend qu’enfermés encore dans leur mère, encore dans les ténèbres de leur douce prison, ils mirent le temps à profit, que cet amour si précoce fut déjà fécond, et qu’ils créèrent même avant d’être. Nous ne voulons pas pour les nôtres que les choses aillent si vite que pour ces dieux brûlants d’Afrique. Il faut une initiation, il faut de la patience, il faut mériter d’être dieux, pour savourer profondément le moment divin dans sa plénitude.

Il est très-bon, il est charmant, qu’ils aient vécu, joué ensemble, à trois ans, quatre ans, cinq au plus. Au delà, je crois très-utile de séparer les deux sexes.

Qu’il l’ait vue petit, bien petit, qu’il ait joué avec elle, quelque part qu’il aille, il se souviendra de la jolie petite fille, — cousine ? amie ? je ne sais (à quatre ans, on est tous parents), de la douce créature avec qui il était méchant, qu’il a souvent contrariée, — et il y aura regret, se rappelant sa complaisance, son bon cœur, sa jeune sagesse. Tout insouciant qu’il est, comme sont les petits garçons, il lui reviendra parfois, avec le joli souvenir des jeux, des goûters d’alors, quelque envie de la revoir.