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Elle craint pour l’objet adoré, alors chancelant, fragile, prie et pleure, retourne aisément aux faiblesses d’un mysticisme dont toutes deux peuvent être énervées.

Et moi, alors, que deviendrais-je ? que me servirait d’avoir donné à cette fleur l’eau saine et fortifiante, si une faible mère devait la tenir attiédie de lait et de larmes, et, ce qui est pis, languissante des breuvages des empiriques ?

De tous les romans corrupteurs, les pires sont les livres mystiques, où l’âme dialogue avec l’âme, aux heures dangereuses d’un faux crépuscule. Elle croit se sanctifier, et elle va s’attendrissant, s’amollissant, se préparant à toute faiblesse humaine. Ce débat, rude et sauvage, violent, dans les livres juifs, devient malsain, fiévreux, dans ceux du moyen âge. Combien plus dans les copies, si tristement équivoques ! Ma jeune fille, qui, d’âge en âge, par une tout autre voie, a monté vers l’idée de Dieu (du Dieu fort, vivant, créateur), a moins à craindre qu’une autre. Cependant, c’est à ce moment que j’ai cru devoir l’armer, abriter sa jeune tête de ce qui fait fuir les songes, le lumineux casque d’acier de la vraie vierge Pallas. Le dialogue intérieur que je veux commencer en elle, ce n’est point du tout celui d’une dangereuse rêverie, c’est l’austère conversation de la pensée, bien éveillée, avec la pensée elle--