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ou plutôt un peu avant lorsque je la sentais venir, j’ai employé des moyens qu’on peut dire homœopathiques, balançant et détournant le semblable par le semblable. À l’émotion du sexe, j’ai donné pour contre-poids l’émotion maternelle et le soin des petits enfants.

Mais dans les années qui suivent, par un art allopathique, j’ai occupé son esprit d’études nouvelles, de lectures pures et sereines. Dans la variété amusante des voyages et des histoires, je lui ai fait trouver elle-même la sérieuse base morale où sa vie va s’appuyer : l’unité de la foi humaine sur le devoir et sur Dieu.

Elle a vu Dieu dans la nature, elle le voit dans l’histoire. Elle sent dans l’Amour éternel le lien de ces deux mondes qu’elle étudiait séparés. Quelle vive et tendre émotion !… Mais n’ai-je pas créé ici moi-même mon propre danger ? Ce jeune cœur amoureux ne va-t-il pas délirer, et sous ombre de pureté, dans une sphère supérieure, suivre un tourbillon d’orages non moins dangereux ?

Tout dépend ici de sa mère. Aux premiers frémissements de la nature, l’enfant troublée, amollie, était toute dans les bras maternels ; elle a trouvé là non-seulement les vives caresses, mais les rêves aussi. La femme est si attendrie quand son enfant devient femme, qu’elle-même en redevient enfant.