Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/194

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ce pic de cinq dents du plus bel émail est porté par une charpente délicate, quoique très solide, formée de quarante pièces. Elles glissent dans une sorte de gaîne, sortent, rentrent, ont un jeu parfait. Par cette élasticité, elles évitent les chocs violents. Bien plus, elles se réparent s’il survient des accidents.

C’est rarement dans la pierre, qu’il méprise, c’est dans le roc, le granit, qu’il sculpte, ce héros du travail. Plus ce roc est dur, résistant, mieux il s’y sent affermi. Que lui importe d’ailleurs ? Le temps ne fait rien à l’affaire, et tous les siècles sont à lui. Qu’il meure demain, ayant usé sa vie et son instrument, un autre vient s’établir là, continue à la même place. Ils communiquent peu dans leur vie, ces solitaires ; mais la fraternité existe pour eux par la mort, et le jeune survenant qui trouve besogne demi-faite, en jouit, bénit la mémoire du bon travailleur qui la prépara.

Ne croyez pas qu’il s’agisse de frapper, et frapper toujours. Il a son art. Une fois qu’il a bien attaqué le ciment qui unit la roche, et bien déchaussé celle-ci, il mord les aspérités comme avec de petites tenailles, déracine le silex. Œuvre de grande patience, qui implique d’assez longs chômages pour que l’eau agisse ainsi sur les places dénudées. On peut alors, de la première couche, aller à la seconde,