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« Mais pourquoi d’autres animaux ? Nous sommes un monde complet, harmonique, et qui suffit. Le cercle de la création pourrait se fermer ici. Dieu par nous couronna son île ; sur son ancien volcan de feu, il a fait un volcan de vie, — bien mieux, l’épanouissement de ce paradis vivant. Il a ce qu’il a voulu, et maintenant va se reposer. »

Pas encore et pas encore. Une création doit monter par-dessus la vôtre, une chose que vous ne craignez pas. Ce rival n’est pas la tempête, vous la bravez ; ni l’eau douce, vous bâtissez à côté. Ce n’est pas même la terre qui peu à peu envahit et couvre vos constructions. Cette autre puissance, où est-elle ? En vous. Tout polype n’est pas résigné à rester polype. Il y a dans votre république telle création inquiète, qui dit que la perfection de cette vie végétative ce n’est pas la vie. Elle en rêve une autre à part : — s’en aller et naviguer seule, voir l’inconnu, le vaste monde, se créer, au hasard du naufrage, certaine chose qui va poindre en elle et reste obscure en vous :

C’est l’âme.