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poissons et vivants et morts. Elle est sa propre lumière, son fanal à elle-même, son ciel, sa lune et ses étoiles.

Chacun peut voir dans nos salines la fécondité de la mer. Les eaux que l’on y concentre y laissent des dépôts violets qui ne sont rien qu’infusoires. Tous les navigateurs racontent que, dans tel trajet assez long, ils n’ont traversé que des eaux vivantes. Freycinet a vu soixante millions de mètres carrés couverts d’un rouge écarlate qui n’est qu’un animal plante, si petit qu’un mètre carré en contient quarante millions. Dans le golfe du Bengale, en 1854, le capitaine Kingman navigua pendant trente milles dans une énorme tache blanche qui donnait à la mer l’aspect d’une plaine couverte de neige. Pas un nuage, et pourtant un ciel gris de plomb, en contraste avec la mer brillante. Vue de près, cette eau blanche était une gélatine, et, observée à la loupe, une masse d’animalcules qui s’agitant produisaient de bizarres effets lumineux.

Péron raconte de même qu’il navigua, vingt lieues durant, à travers une sorte de poudre grise. Vue au microscope, ce n’était qu’une couche d’œufs d’espèce inconnue qui, sur cet espace immense, couvraient et cachaient les eaux.

Aux côtes désolées du Groënland, où l’homme