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COMME JADIS…

tomne. Il s’intitulait « l’Aube claire ». Bien que le sujet en fût pur et chaste, à cause des voiles trop légers dont j’avais enveloppé la frêle figure allégorique, je ne voulus pas, par délicatesse, signaler ce tableau à celle que je nommais ma petite amie d’enfance. J’avais vingt-trois ans. La critique fut bienveillante au jeune peintre. Par vanité naïve, je m’étais abonné à l’Argus de la Presse. Parmi les découpures, les hachures d’articles, travail de ciseaux vigilants à ne laisser passer aucune ligne où fût cité le titre de mon tableau ou mon propre nom, je remarquai une longue bande grise, glacée, où les caractères bleutés s’alignaient en de courts alinéas. Je lus, émerveillé que ma pensée eût été aussi parfaitement comprise, aussi finement analysée, dégagée pour ainsi dire de la couleur et de la forme, présentée en artiste, mise en valeur par le propre talent de l’auteur de l’article signé des initiales J. M. J’écrivis aussitôt la plus lyrique, la plus reconnaissante des lettres que j’adressai à la revue pour être transmise à J. M.

Ce fut Jacqueline Maurane qui me répondit… Elle n’avait pas destiné sa prose à l’impression, me disait-elle. En visitant le Salon, au cours d’un rapide voyage à Paris, elle avait remarqué mon œuvre, et de retour à Toulouse, elle avait voulu fixer pour elle-même ses impressions. Pour tout dire, « mon Aube claire » lui avait donné l’idée de faire « quelque chose ». Le « quelque chose »