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COMME JADIS…


HERMINIE DE LAVERNES
À GÉRARD DE NOULAINE


Le jour de la malle.

Je n’ai pu aller au bureau de poste, c’est Jack Davis qui nous apporte le courrier. Qui est Jack ? Une Anglaise d’Angleterre — ne souriez pas, il y a des Anglais d’Angleterre et des Anglais-canadiens, et c’est très différent, — Jack est la seule représentante de sa race à travers notre village de langue française. Une drôle de petite bonne femme, laide, avec des cheveux roux en masse qu’elle coiffe en épaisses nattes enroulées. Son vocabulaire français ne comprend pas plus de dix mots. Elle vit en bonne intelligence avec tout le monde et, pour répondre au désir du Père Chassaing, elle a quitté ses accoutrements masculins pour prendre le costume habituel à son sexe, depuis que la contrée est un peu peuplée. Nul ne connaît rien de son passé, on a même fini par ne plus se demander d’où elle vient et pourquoi elle s’est établie ici…

Je m’arrête épouvantée. Le désir de vous faire connaître nos alentours m’entraînera souvent à m’embrouiller dans mon récit, à partir à l’aventure parmi les « têtes de chats »… Voyez, il faudrait déjà ouvrir une parenthèse pour vous expliquer ce que sont les « têtes de chats »… Ce sont les myriades de mottes de terre… Et, ne me demandez pas à chaque instant la signification de tel ou tel