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COMME JADIS…

nes. Ce fut le premier roman que j’ouvris, ma découverte de l’amour… Aussi un de ces soirs-là je trouvai votre nom dans la critique d’un Salon. Quel émoi !…

— C’est sûrement un descendant du Chevalier, dit mon père. Se doute-t-il qu’il possède des cousins en Canada ?

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

J’allonge ma lettre sans scrupule, parce que je suis certaine maintenant, que je n’oserai jamais vous l’envoyer, mon cousin. Et je vous appelle mon cousin pour en être doublement sûre !…

J’ai poussé ma petite table contre la fenêtre basse et large pour recueillir la dernière lumière de cette fin d’après-midi infiniment douce, comme le sont nos après-midi d’octobre. C’est le recueillement paisible des choses qui vont s’éteindre après la tâche finie et je ne sais quel calme s’en détache, bienfaisant pour l’âme et pour le corps…

Après sa rude vie de défricheur, comme après une de ces journées, mon père s’en est allé dans l’autre monde. Je ne le savais pas malade. Il mit moins d’un jour à mourir malgré nos soins entêtés à retarder l’heure de la mort pour donner au médecin, un docteur d’Edmonton, le temps d’arriver.

C’était au printemps, la terre dégelée rendait les chemins impraticables, il fallut trois jours à Mourier pour descendre, trois jours pour remonter en compagnie du docteur dont les soins furent