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COMME JADIS…

toujours tendu vers la réalisation du mieux… » Ses hommes l’adoraient. Ils auraient voulu que sa dépouille ne restât pas aux mains de l’ennemi. Dès que la nuit le permit, plusieurs d’entre eux se glissèrent hors des tranchées, fraîchement creusées, pour aller chercher son corps. Malheureusement, un obus avait bouleversé le terrain et, sans doute, enseveli le lieutenant à une grande profondeur. Ceci explique la difficulté que nous avons eu à obtenir des renseignements.

Gérard avait certainement préparé une lettre pour vous, pour Henri, car il savait que le sacrifice suprême pouvait être pour le lendemain. Un survivant de sa section, celui même qui a donné les quelques détails que je vous adresse, assure que son lieutenant a écrit longuement pendant les deux jours qui ont précédé sa mort.

Il y a de la cruauté à vous faire part de ce dernier détail, puisqu’il est humainement impossible que vous entriez en possession de la lettre que certainement vous écrivit votre fiancé, mais je sais de quelle noblesse est votre âme ; je sais que vous trouverez une consolation à apprendre que votre pensée a occupé, jusqu’à l’heure où il ne devait plus être que soldat, l’esprit et le cœur du fiancé qui vous aimait avec une vénération touchante.

Si, un jour, la destinée voulait que nous nous rencontrions, ce serait une douce joie pour moi de vous connaître et de parler avec vous de celui