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COMME JADIS…

dre l’action : ma lettre risque de tomber aux mains de l’ennemi. À cause de cela aussi, je n’écrirai pas le nom de la bourgade qui nous offre l’hospitalité. Sachez seulement que ma vieille bibliothèque sombre de Noulaine ne m’a jamais paru aussi accueillante, confortable et agréable que la cave humide où je me trouve en ce moment, avec des caisses pour sièges et tables. Quelle détente !… Et l’on nous promet pour notre correspondance des attentions spéciales, une certitude de bonne arrivée. Cela vaut d’écrire. Ne pensons pas à ce que tant de sollicitude signifie pour demain…

Je veux vous faire part d’une nouvelle qui ne laissera pas de vous causer l’émotion que j’ai ressentie.

Jacqueline Maurane a été tuée par un éclat d’obus.

Aux premiers jours de la guerre, elle avait obtenu de partir en qualité d’infirmière de la Croix rouge pour le front. Attachée à un hôpital d’Amiens, elle y fut admirable de courage et de sang-froid. Blessée une première fois, elle reprit son service sans attendre son complet rétablissement. Cette fois, l’éclat d’obus l’a frappée en plein cœur, alors qu’elle dirigeait l’évacuation des blessés de l’hôpital trop impitoyablement bombardé.

Je tiens ces détails d’une lettre de Marthe Leray, laquelle est à la tête d’une ambulance pour grands blessés à Nantes.