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COMME JADIS…

vière ; la Saskatchewan ne lui en veut pas de ce dédain, et, généreusement, laisse monter vers la ville le reflet de sa beauté.

La rive sud, Strathcona, paraît être destinée à servir de plateforme ; c’est de là qu’on admire la rive Nord. Je ne m’en prive pas. Sitôt traversé le pont, ce pont hardiment lancé, tout bruyant de ferrailles, génialement combinées, je me retourne et mes yeux se rassasient de la vue que, toute enfant, à l’occasion d’un merveilleux voyage, je me plaisais déjà à contempler.

Quelle métamorphose, cependant, depuis le Château MacDonald dont la masse vaguement moyenageuse se casque d’un cuivre trop neuf, rutilant, incendiaire, jusqu’au palais du gouverneur, distant, froid, officiel, sans oublier « les bâtisses » du Parlement, propres, jeunes, imposantes pour le parc grêle, aux arbres anémiés par la transplantation ! À l’ouest, à l’est, ce sont encore les masses sombres des arbres, frères des arbres de Lavernes. Les soirs de lune, on doit entendre le coyote hurler aux limites de la ville, présomptueusement tracées à des milles du centre. Mais où est le vieux Fort des Prairies, le Fort bâti en lourds troncs d’arbres, la relique historique du passé ? N’avait-on pas promis de le respecter ? Pourquoi redoutait-on son voisinage pour le Parlement ? Le Fort, le Parlement, les deux premières pages d’une belle histoire écrite par les hommes sur cette terre neuve.