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COMME JADIS…

— Oui, « son père ».

— Maman, qu’est-ce qu’elle fait la dame ?

Je ne souris pas.

— Elle écrit, bien certain, répond une blondinette.

— J’ai soif…

Deux, trois voix, reprennent :

— J’ai soif…

— Allez boire, dit « sa mère », en donnant à l’aîné une tasse de granit et rapportez de l’eau pour votre petit frère.

Hormidas qui me semble avoir un mauvais caractère, grogne :

— Il est trop « mossieu », faut qu’on lui « charrisse » son eau…

Ce n’est pas de la dernière amabilité, ce n’est pas du français très châtié, mais, même ce grognon d’Hormidas, je l’embrasserais, tant mon oreille est réjouie des mots, de l’accent. Je goûte la meilleure minute depuis mon départ. Je veux la payer, dès que les enfants reviennent de la fontaine suspendue contre le lambris, à l’autre extrémité.

— Qui veut mon coin ?

De surprise, ils se sont arrêtés. L’eau vacille aux bords de la tasse que porte Hormisdas.

— Allons, dites merci à la dame, commande son père. Comme de raison, les enfants ça aime bien regarder par le châssis, mais il ne faudrait pas qu’ils vous bâdrent, Madame.