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COMME JADIS…


LA MÊME AU MÊME

Pas de lettres de vous au dernier courrier. Sans doute, êtes-vous accablé par les préparatifs de votre voyage. Je songe aussi à la maison rose de la vallée dont les volets se sont ouverts… Vous m’écririez si vous aviez de la peine. Je vous écris, moi, pour me faire attendre patiemment la malle prochaine.

Nous venons d’avoir deux jours de chinook. De larges lambeaux de neige sont partis, mettant à l’air, sur les buttes, le noir des labours d’automne. Ce matin, délivrée des larges mitaines fourrées de peau de mouton, qui rendent les mains si maladroites, j’ai aidé mon vieux Français, à manœuvrer « le godendar » aux belles dents découpées en broderie, pendant que notre toit de bardeaux roux finissait d’égoutter sa neige fondue. Au corral, les bêtes couraient le long des clôtures, de ce petit trot qui cherche la brèche, la perche tombée, le chemin ouvert vers ces plaines mystérieuses où il fait bon vivre, dès que l’étable n’est plus le refuge contre la mort par le froid et la faim… Ces petites remarques ne vous disent rien ? Si vous aviez entendu Mourier me les signalant avec la rude poésie de son observation de paysan, vous sauriez ce qu’elles sont pour nous.

— Minnie, si le chinook tient jusqu’à midi on