Page:Michelet - Comme jadis, 1925.djvu/160

Cette page a été validée par deux contributeurs.
160
COMME JADIS…

qui l’entraînait toujours vers plus de déception. Comme vous étiez loin, Minnie et comme j’ai dû souffrir avant d’arriver à vous ! Je me souviens. Parfois, le soir, je livrais ma peine au vent qui passait rudement, sans m’entendre, et je retombais accablé, livré à l’âpre désespoir de celui qui fut trahi. Vous êtes venue. Vous êtes venue avec des mots méchants et méprisants d’abord, mais vous aviez l’âme haute et bonne, vous étiez celle dont l’amitié relève, soutient, conduit : je vous ai reconnue, j’ai tendu la main et vous l’avez prise.

Minnie, je connaissais votre beauté intérieure dont la jeune splendeur, éclose loin des vulgaires contingences, éblouit ineffablement, et voilà que vous me découvrez le secret adorable de votre beauté extérieure… Je suis demeuré une longue minute sans oser un geste devant la révélation subite du petit portrait, et puis, petite sœur amie, j’ai posé dévotieusement mes lèvres sur le pied étroit qui dépasse la lourde robe d’aïeule. Ce fut un hommage infiniment respectueux qui allait à vous et à Herminie…

Oui, vous lui ressemblez. C’est la même tête fine et fière posée sur le col mince incliné, cher aux peintres du XVIIIe siècle. Vos boucles sont plus sombres, dites-vous. J’imagine qu’elles doivent avoir les tons nuancés et chauds de nos vieux meubles beaucerons taillés en plein chêne. L’arc volontaire du sourcil, la coupe longue de l’œil est iden-